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Crise immobilière et réarmement démographique : un enjeu stratégique pour la France


De manière consécutive à la guerre en Ukraine, et plus récemment la réélection de Donald Trump à la Maison Blanche, la question du réarmement est au coeur du débat public. Les responsables politiques parlent régulièrement du réarmement de la France et de la volonté de réindustrialiser le pays afin de produire le materiel militaire essentiel à la défense des frontières de l'hexagone.
Un autre type de "réarmement", notamment démographique, a été indiqué comme un des principaux éléments de la politique du Président Macron dès 2024. En effet, la France traverse actuellement une crise démographique profonde : le nombre de naissances en 2024 est tombé à 663 000 (chiffres INSEE 2024), soit une baisse de plus de 21 % en quinze ans, atteignant un niveau inédit depuis 1945. Le taux de fécondité, quant à lui, s’est établi à 1,62 enfant par femme, bien en deçà du seuil de renouvellement des générations fixé à 2,1. Cette dynamique place le pays face à des défis socio-économiques majeurs, tels que le vieillissement de la population et la pérennité des systèmes sociaux. Conscient de ces enjeux, le président Emmanuel Macron a récemment appelé à un « réarmement démographique », incitant à repenser les leviers structurels qui influencent la natalité.

I. La crise démographique française : entre déclin et alerte présidentielle

La chute de la natalité en France n’est pas un phénomène soudain. Depuis les années 2010, la courbe des naissances est en décroissance constante. Plusieurs facteurs structurels sont en cause : l’évolution des modes de vie, le recul de l’âge moyen de la première maternité (aujourd’hui de 31 ans), la précarité économique croissante des jeunes adultes et les préoccupations environnementales. Cependant, l’impact des contraintes matérielles, notamment l’accès au logement, est de plus en plus prégnant.

En janvier 2024, lors de son discours sur l’avenir démographique de la France, Emmanuel Macron a insisté sur l’urgence d’agir : « Nous devons réarmer démographiquement la nation. C’est une question de souveraineté, d’équilibre social et de pérennité économique. » Cette déclaration a repositionné la natalité comme un enjeu stratégique national.

II. Logement et natalité : des coûts prohibitifs pour les familles

L’immobilier est un frein majeur à la natalité. Aujourd’hui, l’achat ou la location d’un logement adapté aux besoins d’une famille est devenu inaccessible pour une part croissante de la population. Selon une étude de Pretto, l’ajout d’une chambre supplémentaire pour un couple souhaitant agrandir sa famille engendre un surcoût moyen de 100 000 €, parfois plus dans les métropoles comme Paris, Lyon ou Bordeaux. Cette réalité contraint de nombreux ménages à différer ou renoncer à leur projet d’enfant.

Les inégalités territoriales aggravent ce phénomène. Tandis que les prix flambent dans les grandes villes, les zones rurales, bien que plus abordables, souffrent d’un déficit d’infrastructures et de services (écoles, crèches, transports), dissuadant les jeunes ménages de s’y installer. Ainsi, la crise du logement est à la fois urbaine et sociale.

III. L’impact macroéconomique d’un déclin démographique

La baisse de la natalité a des conséquences lourdes sur l’économie nationale. Une population vieillissante entraîne une réduction de la population active, fragilise les systèmes de retraites et accentue les déséquilibres budgétaires. De plus, la consommation intérieure, moteur traditionnel de l’économie française, est directement affectée par la diminution du nombre de foyers avec enfants.

L’immobilier joue ici un rôle clé : un marché figé limite les mobilités résidentielles, ralentit la construction neuve et pèse sur l’ensemble de la chaîne économique, des artisans aux promoteurs immobiliers. En débloquant l’accès au logement, il serait possible de relancer la dynamique démographique tout en stimulant l’économie.

IV. Les politiques publiques face à la double crise

Les réponses politiques à la crise démographique et immobilière restent insuffisantes. Bien que des aides à la famille et des dispositifs comme le Prêt à Taux Zéro (PTZ) existent, ils sont souvent inadaptés aux réalités du marché immobilier actuel. Les mesures de régulation des loyers ou les incitations fiscales à la construction de logements familiaux sont encore trop limitées pour inverser la tendance.

Pourtant, des exemples étrangers montrent qu’une approche volontariste peut porter ses fruits. En Suède et au Danemark, des politiques combinant aides directes aux familles et régulations du marché immobilier ont permis de maintenir un taux de natalité plus élevé tout en assurant un accès au logement pour les jeunes ménages.

V. Pistes de réflexion pour un réarmement démographique efficace

Un réarmement démographique passe nécessairement par une réforme profonde des politiques de logement. Parmi les leviers d’action possibles :

  1. Encourager la construction de logements familiaux : simplifier les démarches administratives, favoriser la densification raisonnée des zones urbaines et réhabiliter les logements vacants.
  2. Renforcer les aides à l’accession à la propriété : des prêts bonifiés pour les familles nombreuses ou les jeunes couples, des exonérations fiscales ciblées et des subventions pour l’achat de résidences principales.
  3. Améliorer l’attractivité des territoires ruraux et périurbains : en investissant dans les infrastructures, les services publics et les mobilités douces, ces zones pourraient accueillir davantage de jeunes ménages.
Conclusion

La crise démographique que traverse la France est indissociable de la crise du logement. Sans action forte pour rendre le logement accessible aux familles, le « réarmement démographique » souhaité par Emmanuel Macron restera lettre morte. Il est temps de considérer l’accès au logement non plus comme un simple enjeu de marché, mais comme un levier stratégique de politique publique.

En repensant l’aménagement du territoire et les politiques sociales, la France pourrait inverser la courbe démographique et se donner les moyens d’un avenir plus équilibré et durable. Le défi est immense, mais il est à la mesure des enjeux : il en va de la vitalité même de la nation.








Institut InSight 24 février 2025
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